mercredi 31 août 2022

Le dernier dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, est mort

 

Acteur majeur de l’histoire du XXe siècle, Mikhaïl Sergueïevitch GORBATCHEV, lauréat du prix Nobel de la paix en 1990. secrétaire général du comité central du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) puis premier, et éphémère dernier président de l’URSS, est mort ce mardi 30 août 2022 « à la suite d’une longue et grave maladie » à l’âge de 91 ans.

« La majorité des Russes, comme moi, ne veut pas la restauration de l’URSS, mais regrette qu’elle se soit effondrée », confiait-il au Sunday Times en mai 2016, certain que, « sous la table, les Américains se sont frotté les mains de joie ».

S’il se risque à critiquer la réélection de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie depuis 2012, l’accusant d’« assujettir totalement la société » par le biais du parti pro-poutinien Russie unie et sa bureaucratie « pire que celle du PCUS », sa vision du numéro un russe change du tout au tout en 2014. Au moment où Moscou rattache la péninsule de Crimée à la Russie par un référendum controversé après y avoir envoyé des commandos, Gorbatchev applaudit : « J’ai toujours été pour la libre expression de la volonté du peuple. Et, en Crimée, la majorité de la population s’est prononcée pour la réunification avec la Russie. »

Vous lirez ci-dessous des extraits de l’article d’Isabelle Mandraud et de Marie Jégo pour l’Obs

Dans ses Mémoires, publiés en 1997 (éd. du Rocher), Mikhaïl Gorbatchev affirme avoir tout ignoré des opérations militaires déclenchées dans les Républiques baltes. Ce n’est que plus tard, en feuilletant un livre écrit par des anciens d’Alpha (les commandos d’élite du KGB), qu’il comprit qu’il s’agissait d’une « opération conjointe des tchékistes [police politique] et des militaires », organisée sans son aval. Imprécis sur le nombre de victimes à Vilnius (« Il y eut des pertes humaines », écrit Gorbatchev), il adhère sans détour à la thèse du complot et évoque une « provocation » des séparatistes locaux.

Obsédé par la période stalinienne

Né le 2 mars 1931 dans le petit village de Privolnoïe, dans la plaine méridionale de Stavropol, aux abords des montagnes du nord du Caucase, Mikhaïl Gorbatchev a eu tôt fait de gravir les échelons du PCUS. Il avait tout pour réussir. Les Gorbatchev, agriculteurs de père en fils, étaient du bon côté de la barrière. En 1929, Andreï, le grand-père paternel, était engagé dans le mouvement en faveur de la collectivisation des terres lancé par Staline. En 1930, ce communiste convaincu dirige le kolkhoze du village. Ce qui ne l’empêchera pas d’être arrêté, torturé et envoyé au goulag lors des purges de 1937.

La période stalinienne, ponctuée par la famine et les arrestations massives dans les campagnes, va obséder le jeune Gorbatchev toute sa vie. « Votre premier souvenir ? », interroge le mensuel Esquire en octobre 2012. « La famine », répond Gorbatchev. « En 1933, j’avais 2 ans et demi, je revois mon grand-père Andreï en train de faire bouillir des grenouilles pêchées dans le ruisseau à côté de chez nous. »

Les principaux tabous sont levés

Au début, l’homme est plein d’enthousiasme. Il n’a pas encore découvert l’ampleur des problèmes, notamment le gigantisme du « complexe militaro-industriel », véritable Etat dans l’Etat avec ses villes usines secrètes et ses barons rouges insatiables. En 1974, déjà, Andreï Sakharov avait mis en garde contre le risque d’une « URSS surmilitarisée aux mains de la bureaucratie ».

La perestroïka (la refonte du système économique et politique) fut un échec, en revanche, la glasnost (l’ouverture) marqua à jamais les esprits. D’un coup, les principaux tabous furent levés. Les journaux purent publier des statistiques sur les phénomènes de société jusqu’ici passés sous silence, tels les divorces, la criminalité, l’alcoolisme, la drogue. Les premiers sondages d’opinion firent leur apparition.

Bientôt, des pans entiers de l’histoire de l’URSS, concernant notamment Staline et la période des purges, sont révélés au grand public. En 1987, Les Nouvelles de Moscou publient le texte du testament de Lénine, où celui-ci réclame la mise à l’écart de Staline, jugé trop « brutal ». La même année, le brouillage de la BBC cesse, les Soviétiques peuvent, enfin, communiquer et correspondre avec des étrangers.

Le président français, Emmanuel Macron, a adressé ses condoléances et rendu hommage à un « homme de paix dont les choix ont ouvert un chemin de liberté aux Russes ». « Son engagement pour la paix en Europe a changé notre histoire commune ».