mardi 12 juillet 2016

A l'OTAN ne rejouons pas la guerre froide



« A l’OTAN, ne rejouons pas la guerre froide »

OUI il faut cesser de jouer avec le feu, un collectif vient d'exprimer son point de vue concernant nos rapports avec la Russie. Il nous paraît utile de le faire connaître au plus grand nombre de nos citoyens, les signataires sont issus de différents mouvements politiques et sont pour nombre d'entre eux d'anciens Ambassadeurs, c'est dire qu'ils s'expriment en toute connaissance de cause.

Le Sommet atlantique de juillet mérite attention. Et pas seulement parce qu’il montre que l’OTAN est de retour. Née de la guerre froide, l’Organisation Atlantique n’est pas morte avec elle. Destinée à faire contrepoids à l’Empire Soviétique, elle a survécu à sa disparition. L’Armée Rouge campait jadis au centre de l’Allemagne ; l’armée russe, pour autant qu’elle en soit l’héritière, est aujourd’hui à plus de mille kilomètres à l’Est. L’OTAN couvrait la zone nord atlantique de l’Europe ; elle veut jouer désormais les gendarmes du monde – malgré ses déboires hors zone en Irak, en Afghanistan et en Lybie.

La France, qui refusait l’intégration quand l’OTAN était nécessaire, s’y est précipitée quand son rôle initial est devenu inactuel, jusqu’à nouvel ordre en tout cas.
Désormais présente dans l’OTAN et son organisation militaire intégrée, la France ne pourrait pas en sortir aujourd’hui sans risquer de graves difficultés avec ses alliés. Au demeurant, elle y trouve des coopérations militaires auxquelles elle a avantage. D’autre part, elle contribue à l’équilibre général en rassurant des pays (Baltes, Pologne) qu’inquiète leur voisinage avec la Russie ; l’annexion de la Crimée n’a fait que souligner l’utilité de ce rôle. La Crimée, à vrai dire, a bon dos. Le fait accompli turc à Chypre vaut bien, même sans annexion, le fait accompli russe en Crimée et voilà un bon demi-siècle que l’OTAN s’en accommode.

Reconnaissons que la Russie n’est pas sans torts, admettons même qu’elle fasse peur : faut-il pour autant aller jusqu’aux gesticulations politiques (réunion à Varsovie) et militaires (déploiements de forces de combat à proximité du territoire russe) dont le prochain Sommet va fournir l’occasion ? À cela s’ajoute l’expansion continue, le « drang nach osten », de l’OTAN en direction des frontières russes, les défenses antimissile installées en Roumanie et Pologne, les bruits récurrents d’élargissements de l’OTAN à la Géorgie ou à l’Ukraine, quand ce n’est pas au Kosovo ou au Monténégro, il y a là quelque chose qui ne peut manquer d’apparaître aux yeux du Kremlin comme un échelon de plus dans l’escalade des provocations.

Les mêmes qui nous ramènent à la guerre froide sont les premiers à protester qu’ils n’en veulent à aucun prix le retour. Ils seraient plus crédibles s’ils veillaient à rassurer la Russie en même temps qu’ils rassurent Pays Baltes et Pologne. 
Il n’y aurait pour cela que deux choses à dire : la première, que les déploiements de forces sont exceptionnels et n’ont pas vocation à devenir permanents ; la seconde, que l’OTAN a fait le plein de ses membres et ne s’élargira en aucun cas et dans aucune direction à un nouveau membre.

La France aurait une belle occasion à saisir et s’honorerait en prenant à son compte cette double affirmation. La règle de l’unanimité en vigueur à l’OTAN lui donne les moyens d’empêcher ce qu’elle refuse. Mais, peut-être, est-ce déjà trop demander à une diplomatie qui, depuis longtemps, a désappris à dire non ? Notre retour dans l’organisation militaire intégrée ne doit pas nous priver de l’indépendance qui était la nôtre auparavant.

Sont signataires de cette tribune et membres de ce club : 

Bertrand Badie (politologue), Denis Bauchard (ancien ambassadeur), Henri Bentegeat (général), Claude Blanchemaison (ancien ambassadeur), Hervé Bourges (journaliste), Rony Brauman (médecin, essayiste), Jean-François Colosimo (essayiste et éditeur), Jean-Claude Cousseran (ancien ambassadeur), Régis Debray (écrivain), Roland Dumas (ancien ministre des affaires étrangères), Hervé de Charette (ancien ministre des affaires étrangères), Bertrand Dufourcq (ambassadeur de France), Anne Gazeau-Secret (ancien ambassadeur), Renaud Girard (journaliste), Henri Laurens (historien), François Nicoullaud (ancien ambassadeur), et Gabriel Robin (ambassadeur de France).

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