L’ancien sénateur et député européen Henri WEBER, une
des figures de mai 68 devenu cadre du parti socialiste, est décédé ce dimanche
26 avril du coronavirus à l’âge de 75 an.
J’ai connu personnellement Henri
WEBER dans les années 1964-1966 à Paris dans les Assemblées et les Congrès de
l’UNEF, c’était un personnage attachant, brillant et très ouvert aux débats
contradictoires.
Je l’ai revu la dernière fois à la Sorbonne en 2012 lors d’une
réunion. Son intervention portait sur les dangers d’une économie assise sur les
seules ressources pétrolifères.
Fils de juifs polonais Henri WEBER est né le 24 juin 1944 à
Leninabad, en URSS (aujourd’hui Khodjent, au Tadjikistan), dans un camp de
travail soviétique, sur un navire-hôpital amarré sur les rives du fleuve
Syr-Daria.
Sa famille, juive polonaise, avait fui sa ville de Chrzanów,
en Galicie, à quelques kilomètres d’Auschwitz, au moment de l’invasion nazie de
la Pologne, en 1939, choisissant l’URSS.
Refusant de devenirs citoyens soviétiques, les époux Weber
furent envoyés d’abord dans un camp de travail en Sibérie avant d’être
transférés, à leur demande, à Leninabad. Là-bas, le père est employé comme
bûcheron et la mère comme couturière.
« Ce n’était pas un centre de
détention à régime sévère, encore moins un camp d’extermination mais un vrai
camp de travail : une fois leur journée accomplie, les détenus vaquent
librement à leurs occupations »,
explique Henri Weber, dans son autobiographie Rebelle jeunesse (éd. Robert Laffont, 2018).
Une fois la guerre terminée, la famille Weber retourna
un temps en Pologne, mais l’antisémitisme encore très présent les convainquit
de partir.
En 1948, les Weber s’installent à Paris, où le
père reprend son activité d’horloger.
Henri Weber, à Paris,
le 24 avril 2014. ERIC FEFERBERG / AFP
Henri et son frère sont inscrits à l’Hachomer Hatzaïr,
un mouvement scout laïc, sioniste et socialiste.
Ce sera sa véritable matrice
politique, qui guidera ses futurs choix militants. A commencer par son
opposition à la guerre d’Algérie (1954-1962) quand il était au lycée.
A
16 ans, il adhère aux Jeunesses communistes au grand dam de ses parents,
antistaliniens.
Jeunesse communiste révolutionnaire
Il est toujours adhérent au parti communiste de Maurice
Thorez quand il entre, en 1962, à la Sorbonne. En bon militant discipliné, il
s’inscrit à l’UNEF et à l’Union des étudiants communistes (UEC).
A l’époque,
l’UEC est un chaudron où se côtoie tout ce que la gauche radicale comprend de
chapelles. Les sensibilités trotskistes y sont nombreuses et actives.
Les trotskistes sont finalement exclus du PCF et de
l’UEC en 1965. La Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) est alors créée.
Avec Alain KRIVINE il participe à la création du
mouvement des Jeunesses communistes révolutionnaires en 1965, puis co-fondateur
de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) en 1969.
Peu à peu, les premières fissures apparaissent dans
les convictions trotskistes de Weber. Il s’éloigne de son organisation, de ses
camarades, et se concentre sur ses travaux de recherche, observe ce qu’il se
passe à l’étranger. Il s’intéresse notamment à l’eurocommunisme.
Il lit, creuse, écrit plusieurs ouvrages (comme Marxisme
et conscience de classe, Bourgois, 1974 ; Parti communiste
italien : aux sources de l’Eurocommunisme, 1977, chez le même
éditeur), travaille sa matière…
« A la fin des années 1970, j’étais mûr pour me
rallier à l’expérience du nouveau PS, confesse Weber dans son autobiographie. (…) Il me
fallait du temps pour opérer mon travail de deuil (…) Je suis donc parti
sans bruit. »
Les hommages
“Henri
Weber était une de ces mémoires fertiles de la gauche, il en connaissait
l’histoire, jusque dans ses moindres détails”, a salué Olivier FAURE, Premier
secrétaire du PS, auprès de l’AFP. “Mais il ne rêvait pas d’un âge d’or à
retrouver, il était dans la recherche permanente de nouvelles solutions”.
“Ces
derniers mois, il s’était engagé dans le chantier de la rénovation des formes
partisanes. Il était inlassable. Passionné. Passionnant. Le Parti socialiste
perd ce soir un esprit incisif qui a bien souvent éclairé notre route. Notre
tristesse est immense”, a-t-il poursuivi.
“Henri
Weber était une grande et belle figure de la gauche. Il ajoutait à son
érudition une clarté d’analyse, un goût de l’action et une fraîcheur militante
avec un humour joyeux qui enchantait jusqu’à ses contradicteurs”, a écrit
François HOLLANDE dans un communiqué publié lundi. “C’est un homme
généreux et un intellectuel lumineux qui disparaît aujourd’hui. Et aussi un ami
cher”, ajoute l’ancien président de la République.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les propos injurieux, racistes, sexistes, pornographiques, antisémites, islamophobes, ne seront pas publiés.
Pour signer les commentaires de vos noms/prénoms, cliquez sur le menu déroulant, et sélectionner "Nom/URL". Remplir ensuite uniquement la partie "NOM".